Skills-based Organizations : quel état des lieux en France ?

Plébiscitée par de nombreuses entreprises pour ses bénéfices sur la performance et la mobilité, ce modèles organisationnel a encore besoin d'être expliqué. Quelle est la réalité de son adoption en France ?
Skills-based Organizations : quel état des lieux en France ?
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Placer la compétence comme déterminant principal de la performance n’est pas une nouvelle approche. McClelland, psychologue et professeur à Harvard, a développé en 1973 la notion de “competency” pour représenter l’ensemble des caractéristiques intrinsèques d’un individu (connaissances, traits de caractère, savoir-faire, …).

Son objectif à l'époque ? Dépasser les critères de la supposée intelligence ou encore du diplôme pour obtenir une méthode plus équitable dans l’allocation des ressources

50 ans plus tard, 12 sociétés du CAC40 se considèrent comme ayant adopté la skills-based organization comme modèle de fonctionnement.

En réalité, le métier demeure le point d’ancrage central de l'organisation, architecture qui fonctionne lorsque les compétences sont relativement stables, le seul hic : ce n’est plus la réalité . Parmi notre panel de 454 professionnels RH, 91% considèrent qu’au moins un des trois facteurs est particulièrement impactant au quotidien. Voici le classement des 3 moteur des transformations actuelles :

  1. L’intelligence artificielle (IA) représente 34% de l'impact global, marquant son rôle dominant dans la transformation des organisations.
  2. La digitalisation suit en deuxième position avec 31% de l’impact global, soulignant son importance constante dans les stratégies actuelles.
  3. La conscience environnementale complète ce classement avec 25%, traduisant un intérêt croissant, mais encore en retrait par rapport aux facteurs technologiques.
Les facteurs de transformation des métiers et des compétences : IA, digital et développement durable

Dans cet article nous détaillons rapidement les bénéfices du point de vue financier, les différents niveaux de maturité que vous pouvez prendre comme point de repère et, enfin, comment se mettre en mouvement.

SBO et performance organisationnelle

Le contexte actuel est celui de ruptures technologiques incessantes, de pressions réglementaires fortes et de digitalisation non achevée. Cette situation amène 45% des PDG à considérer que leur entreprise ne sera pas viable dans 10 ans si elle ne change pas de modèle, chiffre en hausse de 6% en 1 an (27ème enquête PWC auprès des dirigeants d’entreprise). 

La performance rime désormais avec résilience, adaptation rapide aux disruptions, et anticipation des compétences nécessaires pour conserver un avantage compétitif.

Nous nous sommes interrogés sur la performance comparée des Skills-based organizations (SBO) et des sociétés qui ne l’ont pas adopté cette approche, le verdict est sans appel : 

Les entreprises qui ont réalisé la transition vers cette configuration ont augmenté de 147% leurs bénéfices par action entre Avril 2020 et Juin 2024, alors que les entreprises “traditionnelles” ont connu une évolution de 24,7 %

En outre, les entreprises performent davantage avec moins de ressources tout en s'adaptant aux conditions de marché en constante évolution.  La mise en place d'un modèle organisationnel basé sur les compétences a démontré qu'elle améliore significativement la performance de l'entreprise.

Nous n'allons pas ici développer l'ensemble des bénéfices déjà évoquées en détails dans notre article "les bénéfices de l'organisation centrée autour des compétences".

État des lieux de la transition vers l'organisation par compétences

Nous identifions 5 niveaux de maturité dans la transition vers ce modèle organisationnel. Il s’agit d’une démarche progressive pour laquelle nous vous proposons cette représentations synthétique :

Les 5 niveaux de maturité vers la skills-based organizations

Premier niveau de maturité : la volonté exprimée de tendre vers le SBO

Le 1er niveau est constitué de la prise de conscience des bénéfices apportés par ce modèle. Robert Demory, Directeur de la formation et du développement RH au sein du Groupe La Poste résume l’évolution de la manière suivante :

Il y a 40 ans, la révolution était celle d’avoir des fiches de postes, aujourd’hui il devient critique de réfléchir en termes de “bouquets de compétences.

Si les descriptifs de postes existent toujours, il s’agit désormais de les découper en activités et en compétences nécessaires pour les réaliser. 

Quelles conditions réunir pour réaliser la transition vers une Skills-based organization ?

Pour réaliser cette transition 3 conditions doivent être réunies : 

  • L’expression d’une volonté au plus haut niveau de l’entreprise
  • Le secteur dans lequel vous évoluez est marqué par une forte évolution des compétences
  • L’affirmation d’un projet stratégique clair, d’un enjeu identifié et partagé

Second niveau de maturité : l’entreprise dispose d’un socle de compétences robuste

La grande majorité des entreprises constituent un référentiel de métiers auquel est associé un librairie de compétences. Les challenges sont ici particulièrement nombreux : hétérogénéité des référentiels suivant les business units, difficultés pour permettre aux collaborateurs et à leurs managers de s’évaluer d’une manière objective, problèmes de maintenance, d’évolutivité de ces référentiels. 

Cet outil central de la gestion des compétences n’a de sens que s’il est envisagé pour réaliser une cartographie complète, mapper à la fois les atouts mais aussi les axes de développement RH. 

A ce stade des avancées technologiques, l’enjeu est de réaliser une personnalisation de cet instrument à partir des ontologies de compétences dont disposent les fournisseurs de solution et des référentiels existants dans l’organisation, puis d’augmenter la fréquence de son usage par les principaux intervenants.

Troisième étape de maturité : la diffusion de la dimensions compétence dans les processus RH

La construction de référentiels de compétences est, trop souvent, une activité assimilée à une habitude sans déclinaison opérationnelle suffisante. La dimension compétence, dans le cadre d’un projet de SBO, fait partie intégrale de l'enrichissement de plusieurs processus RH.

Quels sont les processus RH enrichis par la dimension compétences ?

  • L’ensemble des entretiens.

Qu’il s’agisse des revues de performance, des people reviews, des entretiens professionnels. Ce sont des occasions centrales d’alimenter la donnée de compétence par une évaluation bipartite (collaborateur-manager) qui renforcera les propositions ultérieures de formation ou de carrières.

  • Le développement RH

Dans un contexte d'évolution rapide des compétences, la cartographie des écarts de compétences met en lumière les priorités de développement. L'identification des compétences critiques permet d'optimiser les catalogues de formation en fonction des vrais besoins : chaque compétence est liée à une formation adéquate

  • La fixation des objectifs

Dans une organisation centrée sur les compétences, la manière d’atteindre les objectifs est aussi importante que les résultats eux-mêmes. Cela permet de créer un alignement plus fort entre la performance attendue et le développement des talents. Par exemple, chez Nexans, les managers ont un objectif de développement des compétences de leurs collaborateurs dans un esprit de contribution aux résultats finaux.

  • Rémunération et reconnaissance

La rétribution est envisagée d’une manière tout à fait différente : elle est davantage basée sur le portefeuille de compétences des collaborateurs plutôt que sur leur poste. Les augmentations et les bonus sont directement liés à l'acquisition et au développement de compétences stratégiques, ce qui incite à une progression continue et assure une rémunération équitable, alignée sur la valeur des compétences apportées à l'entreprise

  • Parcours de carrière

Les évolutions professionnelles ne sont plus simplement déterminées par les postes vacants, mais par les compétences développées et les ambitions des collaborateurs. Ce processus permet de créer des trajectoires de carrière uniques, plus en phase avec les attentes de diversification des talents.

Quatrième niveau de maturité : faciliter les redéploiements d’effectifs

Au quatrième niveau de maturité, les entreprises capitalisent pleinement sur la gestion des compétences pour orchestrer des réorganisations agiles et des redéploiements de personnel. La gestion proactive des talents repose sur une approche fine des compétences, permettant d'optimiser les ressources internes et de minimiser les coûts liés aux recrutements externes ou aux départs.

Exemple : le redéploiement stratégique chez Natixis

Face aux défis posés par l'automatisation et les opportunités d'offshoring dans le secteur des services financiers, le groupe BPCE, via Natixis, a choisi une voie innovante. Là où les entreprises adoptent souvent une approche de downsizing suivie de recrutements massifs, générant des coûts considérables, Natixis a misé sur trois alternatives stratégiques :

  1. Staffer un poste sur deux avec des talents internes, contre un sur quatre dans les approches traditionnelles.
  2. Réaffecter 50% des compétences en interne, contre seulement 10% dans les modèles classiques.
  3. Accélérer l’allocation des ressources sur les emplois créateurs de valeur grâce à des initiatives de reskilling ciblé.

Ces réussites ont été possibles grâce à une cartographie fine des compétences et des aires de mobilité, en analysant les écarts entre les compétences actuelles et celles requises pour les métiers de demain. Ce processus a été renforcé par une meilleure connaissance des aspirations et motivations des collaborateurs, permettant de rendre les transitions plus fluides et adaptées aux ambitions individuelles.

Cinquième niveau de maturité : Intégrer les compétences dans la culture d’entreprise

Au stade ultime de maturité, les compétences sont au cœur de la culture de l’entreprise, influençant toutes les pratiques RH.

  1. Leadership par l’exemple
    Les dirigeants s’impliquent activement dans leur propre développement et montrent l’exemple à travers des initiatives comme les "expeditions journeys", encourageant une culture d’apprentissage continu.
  2. Endorsements et reconnaissance
    Les compétences des collaborateurs sont régulièrement reconnues de manière informelle par leurs pairs, renforçant une dynamique de soutien et de développement collectif.
  3. Responsabilisation des collaborateurs
    Chaque collaborateur est responsable de son propre développement, avec des plages horaires dédiées pour se former et acquérir de nouvelles compétences.
  4. Mobilité horizontale et diversité des expériences (Exemple de Mazars)
    Mazars encourage la mobilité avec des immersions en start-up, le mécénat de compétences ou encore l’encouragement à créer sa propre auto-entreprise. L’évolution horizontale est privilégiée à l’évolution verticale. Les mobilités internes sont toujours réussies grâce aux nombreux “vis ma vie”. Enfin, aucune opposition à la mobilité n’est possible de la part des managers.

Les entreprises françaises et le modèle skills-based

Les exemples concrets de sociétés internationales sont disponibles dans la littérature, il s’agit notamment d’Unilever, de Microsoft, d’Orsted (énergie). Nous constatons aussi que les entreprises ayant dû opérer un changement important de business model comme Toyota ou Volvo ont pleinement adopté ce schéma d’organisation. 

Quelles entreprises françaises ont adopté le modèle des organisations basées sur les compétences ?

Voici la liste des entreprises françaises se déclarant SBO : 

  • Safran
  • LVMH
  • Airbus
  • Vivendi
  • Société Générale
  • Credit Agricole
  • Orange
  • Veolia
  • TotalEnergies
  • Natixis
  • Stellantis
  • Schneider Electric
  • Capgemini Invent

Comment avancer vers la configuration SBO ?

Pour évoluer vers ce chéma, nous avons préparé plusieurs questions initiales pour diagnostiquer votre situation actuelle, nous vous encourageons à réaliser cet audit complet grâce à notre outil gratuit. 

  1. Les niveaux de compétences requis sont-ils indiqués dans mon référentiel et partagés avec les collaborateurs et managers ?
  2. Est-ce que je connais les écarts de compétences aux niveaux individuel et collectif ?
  3. Les collaborateurs expriment-ils leurs appétences à développer certaines compétences, et est-ce que je maîtrise cette information ?
  4. Est-ce que je rationalise mon offre de formation en fonction des compétences à développer et des compétences émergentes de mon secteur ?
  5. Est-ce que j'arbitre entre recrutement interne et externe à partir d'un vivier de compétences mobilisables ?

Conclusion

La transition vers une organisation basée sur les compétences n'est pas seulement une tendance, c'est un véritable levier de transformation pour ceux qui osent repenser leur modèle. Comme l'ont montré des pionniers tels que Natixis, Safran ou encore LVMH, intégrer les compétences au cœur de la stratégie permet non seulement de renforcer la performance, mais aussi de naviguer avec agilité dans un environnement en perpétuel changement.

Cependant, nous le savons, ce modèle n'est pas nécessairement adapté à toutes les entreprises. C'est pourquoi il est essentiel de poser les bonnes questions et de diagnostiquer votre situation actuelle. Prenez le temps de vous interroger : où en est votre structure dans cette transition ? Êtes-vous prêt à capitaliser sur vos talents et à anticiper les défis de demain ?

Nous vous invitons à réaliser dès maintenant un audit complet avec notre outil gratuit. C'est l'occasion d'évaluer votre niveau de maturité et de voir si le passage à une Skills-Based Organization est l'étape clé pour propulser votre entreprise vers l'avenir.