L'année 2023 semblait annoncer l'adoption généralisée de l'IA dans la vie quotidienne des employés, qu’en est-il un an plus tard ?
Cette intégration apparaît beaucoup moins franche, l’AI Act voté le 13 Mars au parlement européen encadre désormais le recours à cette technologie sans freiner la soif d’innovation.
Un indicateur à suivre est le ralentissement du trafic de l'application ChatGPT. Il s'est stabilisé à environ 180 millions d'utilisateurs mensuels, avec une croissance de seulement 13% entre mars 2023 et mars 2024.
L’appropriation individuelle des employés contraste nettement avec l'intégration stratégique au niveau des entreprises. En dépit du fait que l'IA figure parmi les cinq principales priorités des grandes entreprises, seulement un peu plus de 10 % d'entre elles ont entrepris une étude d'impact significative sur leurs métiers.
Comment peut-on expliquer cette modération pour plébisciter pleinement ces technologies ? Quels usages sont réellement faits aujourd’hui et quelles projections envisager demain ?
Les 3 opportunités d'adoption de l’IA
L’adoption de l’IA ne se fait pas de manière monolithique. Nos nombreux échanges avec DRH et dirigeants d’entreprises démontrent que sa diffusion varie depuis un usage à vocation de gains de productivité jusqu’à son intégration dans l’offre-même de l’entreprise.
Détaillons ces différentes formes d'adoption, leurs maturités respectives et leurs freins. Par ailleurs, nous estimons essentiel de différencier ces éléments suivant la typologie d’IA dont il est question.
Premier usage: améliorer la productivité individuelle des employés.
L'Intelligence Artificielle à usage personnelle : utilisation de systèmes d'IA comme des assistants personnels intelligents pour optimiser les tâches quotidiennes et la gestion du temps.
- Maturité : Élevée. Ces technologies sont de plus en plus plébiscitées dans les secteurs à forte composante technologique et par les professions nécessitant une gestion efficace du temps.
- Barrières : Le coût des technologies et la diversité de qualité entre les outils disponibles peuvent représenter des obstacles, particulièrement pour les PME et les secteurs moins orientés vers la technologie.
Second Usage: optimiser les processus d'entreprise.
Les systèmes de gestion automatisés : Déploiement de solutions d'IA dans la gestion de la chaîne logistique, l'automatisation des processus robotiques (RPA) et les systèmes de gestion de la relation client (CRM) qui transforment les opérations internes et améliorent l'efficacité globale.
- Maturité : Moyenne. Les grandes entreprises, notamment dans les secteurs de la fabrication, du retail et des services financiers, intègrent largement ces systèmes pour optimiser les opérations internes.
- Barrières : L'investissement initial important et la nécessité d'une maintenance continue et d'une intégration avec les systèmes informatiques existants peuvent limiter leur sélection par les PME
Troisième usage: mise à disposition technologique aux clients finaux.
L'IA intégrée dans l’offre de produits/services : ces nouveaux services répondent mieux aux besoins des clients, comme les recommandations personnalisées ou les interfaces utilisateurs intelligentes.
- Maturité : En croissance rapide. Particulièrement présente dans les industries orientées vers le consommateur telles que le retail, le divertissement et les télécommunications.
- Barrières : Nécessite une compréhension approfondie des données client et de solides capacités en analyse de données, ce qui peut limiter l'utilisation à des entreprises ayant des infrastructures de données insuffisamment robustes.
Deux illustrations de l’intégration avancée dans les produits et services sont à souligner ici:
1ère illustration : le copiloting avec Neobrain
Neobrain a scellé un partenariat avec Microsoft pour intégrer le “copilotage” dans sa solution, plus précisément dans la dimension de workforce planning. L’utilisateur peut à tout moment poser des questions à son assistant pour obtenir une réponse détaillée et accéder aux données, évitant ainsi des recherches longues et fastidieuses dans son application.
L’illustration en vidéo:
2nde illustration : l’assistant de productivité Sage
L’éditeur de logiciel britannique Sage. Sa People Director pour l’Europe du Sud, Tiphaine Brisou-Debeze, me confiait dans un entretien, le lancement début Mars de leur assistant de productivité alimenté par l’IA générative. A contrario, lorsque je lui demande si ces collaborateurs lui demandent un accès à Chat GPT, la réponse est nette: “aucune”.
Mais comment savoir si les employés ne pratiquent pas une nouvelle forme de shadow IT par l’usage du “shadow AI” ?
Qu’est-ce que le “shadow AI” ?
Le shadow AI désigne l'utilisation d'applications et de services d'intelligence artificielle par les employés sans l'approbation ou le contrôle des services informatiques de l'entreprise. Cette pratique peut entraîner des risques de sécurité et de non-conformité, car elle échappe aux politiques officielles de gestion des données et de sécurité de l'entreprise.
Nombreuses sont les grandes entreprises comme Samsung, Apple, Deutsche Bank, Verizon ou encore Amazon à avoir banni ChatGPT pour éviter les fuites de données. En conséquence de quoi ces entreprises doivent trouver des solutions pour offrir le même niveau de service de manière sécurisée.
Comment distinguer les différentes “intelligences artificielles” ?
Les intelligences artificielles regroupent de nombreuses modalités variées du point de vue historique mais aussi dans leurs protocoles de traitement des données et leur facilité d’accès.
Détaillons ceci:
- L'apprentissage automatique est crucial mais souvent limité aux grandes entreprises possédant des bases de données étendues et des systèmes informatiques robustes, car il nécessite un volume significatif de données pour être efficace.
- Le traitement du langage naturel (NLP) est plus largement répandu, en particulier dans les domaines des ressources humaines pour le filtrage des candidatures et l'analyse du comportement et des communications. Sa capacité à gérer le langage naturel le rend accessible et utile dans de nombreux contextes professionnels.
- Les modèles de langage large (LLM), comme ChatGPT, trouvent des applications étendues dans le marketing, les rôles créatifs, juridiques et les ventes grâce à leur capacité à générer du contenu textuel de manière autonome. Cependant, leur utilisation est moins évidente dans les secteurs de la finance ou de la fabrication. Ceci s’explique par le niveau d’exigences spécifiques pour des données excessivement fiables et des calculs précis, ce niveau de confiance dans les données n’est pas toujours atteint.
Les 20 statistiques clés de l’adoption de l’IA
Se poser la question du développement réel des intelligences artificielles dans l’entreprise demande de recenser et confronter différentes statistiques.
Les modélisations sont encore soumises à de nombreux aléas dont témoignent les divergences de point de vue dans les études majeures. Par exemple, McKinsey affirmait fin 2023 que “L'IA pourrait remplacer environ 300 millions d'emplois à temps plein, à l'avenir”, de son côté Forrester parle de 2,4 millions d'emplois directement impactés d'ici 2030, et 11 millions d'autres emplois influencés.
Les statistiques de pénétration
Pénétration dans l’entreprise (source: United States Census Bureau)
- 34 % des entreprises ont mis en œuvre des technologies d'IA
- 42 % d’entre elles explorent actuellement les options d'IA disponibles.
- 35 % des organisations forment et requalifient activement leurs équipes pour utiliser efficacement les nouveaux outils d'IA et d'automatisation.
Pénétration par pays (source IBM):
- L’Inde fait partie des pays qui utilisent le plus la Generative AI avec 57%
- Le Canada se situe à 48%
- Les Etats-Unis à 25%
- La France à 31%
Impact sur les métiers:
Notre étude “How does AI impact my workforce”, réalisé en Janvier 2024 fait apparaître 4 niveaux d’impacts sur les métiers :
- Catégorie "Impact fort" (32%) :
- Les professions subissant une transformation notable en raison de l’IA, avec 40 à 66,6 % de leurs activités affectées.
- Catégorie "Impact moyen" (36%) :
- Les professions où l'impact de l’IA est modéré, avec certaines activités pouvant tirer profit de l'IA (20 à 40 % des activités impactées).
- Catégorie "Impact limité" (18%) :
- Les professions qui connaissent une transformation marginale de leurs tâches due à l’IA (10 à 20 % des activités impactées).
- Catégorie "Impact nul" (14%) :
- Les professions dites « protégées », où la nature même des tâches reste inchangée par l’IA.
Identifiez le degré d’automatisation de 100 métiers dans notre web-app:
Les statistiques de projections d’adoption future
Prévisions d'investissement :
- 39% des grandes entreprises (+10 000 employés) prévoient de renforcer leur investissement dans l’IA pour leurs salariés (Adobe)
Les activités les + consommatrices d'IA :
- Le top 5 des fonctions et activités qui bénéficieront le plus de l’IA :some text
- Customer service
- Cybersécurité, détection de fraudes
- Gestion de la relation client
- Gestion des stocks
- Création de contenu
- Le recrutement arrive en 10ème position selon Forbes Advisor.
Les bénéfices attendus :
- Compétitivité et productivité sont les 2 moteurs de son déploiement avec 87% et 64% (Forbes)
Un appétit de formation grandissant :
- 67% des employés aimeraient bénéficier du soutien de leur société pour acquérir les compétences de prompting AI.
Des écarts de compétences à combler :
- 70% des dirigeants pensent que leurs équipes ne sont pas suffisamment qualifiées pour optimiser l’usage de l’IA. 61% de ces mêmes employés déclarent ne pas avoir les compétences nécessaires pour utiliser l'IA générative de manière efficace et sûre. (Salesforce GenAI snapshot research studies)
Conclusion
L'année écoulée a mis en lumière à la fois les avancées et les défis persistants, reflétant une transition complexe mais inévitable vers des environnements de travail augmentés par l'IA. Il est important de souligner une certaine forme d’aspiration à capitaliser sur ces technologies pour une portion des cols blancs, l’expérience d’interaction avec l’outil révolutionne définitivement les logiciels passés à l’image de ce que propose le copilot par exemple. Il s’agit là d’une bonne nouvelles pour les équipes RH pour qui faire venir les collaborateurs sur leur logiciel RH n’est pas toujours une sine cure.
Cette préférence progressive sera sans doute plus difficile pour une population plus senior, moins prompte à voir l’intérêt de se former sur ce sujet. Ce qui pose la question du redéploiement continu des effectifs.
Notre prochain article autour des sujets d’IA investigue les obstacles, les exemples de sociétés qui ont initié des projets robustes de réflexion pour proposer une méthodologie en 5 étapes afin d’initier ce changement inéluctable.