Les seniors représentent une part importante de l'effectif des entreprises, les actifs de 50 à 64 ans représentent près de 7 millions de personnes en France (chiffres combinés statista et Insee).
À partir de quel âge devenons-nous “Sénior” ?
Cette perception est différente si l’on se place du point de vue des candidats, pour qui la frontière psychologique est 52,7 ans, ou sous l’angle des recruteurs qui la positionnent à 49,6 ans selon une étude Ipsos compétences de 2022.
Nous démarrons notre seconde partie de carrière à l’age de 45 ans après avoir accumulé des connaissances et des compétences qu’il est naturel de vouloir transmettre aux générations suivantes. La question de l’emploi des seniors est d’actualité avec l’âge de report de la retraite à 64 ans. Ce sujet appelle à la fois au renforcement de l’employabilité et à l’émergence d’une culture à contresens de celle à l'œuvre actuellement dans les entreprises. Nous développerons ces 2 points après avoir réalisé un diagnostic et une revue de la législation actuelle.
Les enjeux réglementaires de l’emploi des seniors
Chronologie de la gestion des retraites
Saviez-vous que l’âge de la retraite était de 65 ans avant 1982 ?
L'âge de la retraite a été abaissé à 60 ans lors du mandait de François Mitterrand. Le taux français d’emploi des seniors (56%) est inférieur à la moyenne européenne (61%).
De 1993 à 2023 les changements ont porté sur l’augmentation du nombre de trimestres de cotisation (qui devait même porter l’âge de départ jusqu’à 67 ans avec la réforme Woerth), d’alignement du public sur le privé.
La France réforme sur les retraites mais qu’en est-il des réformes pour l’emploi des seniors ?
Les principales composantes législatives de l’emploi des seniors
Depuis Mai 2009 et le Décret n° 2009-560, un dispositif et un plan d’action en faveur de l’embauche et de l’activité des plus de 50 ans sont en vigueur. Les dispositions en vue de contribuer à l’anticipation des évolutions de carrière, le développement des compétences et l’aménagement des fins de carrière sont nombreuses :
- Le CDD Senior : Ce contrat vise à faciliter la complétion des droits à la retraite à taux plein pour une durée de 36 mois (renouvellement inclus) au lieu de 18 mois pour le CDD classique. Il exonère de cotisations familiales les entreprises qui embauchent un salarié de + de 60 ans.
- Le contrat de génération : il offre une aide de 4000€ aux entreprises qui recrutent d’une part un salarié de - de 26 ans tout en conservant le talent d’un salarié de plus de 57 ans. Cette disposition va même jusqu’à 8000e en cas d’embauche simultanée d’un “jeune” et d’un “senior”.
- Le CDI inclusion : Ce dispositif permet d'encourager l'embauche de personnes âgées de 57 ans et plus éloignées du marché du travail, en leur offrant un contrat à durée indéterminée (CDI) assorti d'un accompagnement personnalisé. Il offre un cadre sécurisant pour les employeurs qui peuvent ainsi s'engager sur une durée plus longue avec des travailleurs seniors dotés de compétences et d'une expérience précieuses.
- Le parcours emploi compétences (PEC) : Ce dispositif accompagne les personnes qui rencontrent des difficultés pour accéder à l'emploi et peut être prolongé, dans le cas d'un CDD, jusqu'à une durée totale de 5 ans pour les personnes âgées de 50 ans et plus. Cette mesure permet de mieux prendre en compte les difficultés spécifiques rencontrées par les travailleurs seniors dans leur recherche d'emploi, notamment en leur offrant un accompagnement renforcé sur une durée plus longue.
Nous pouvons citer d’autres mécanismes comme le contrat de professionnalisation, le VAE ou le bilan de compétences. Enfin le Sénat a adopté l’index senior qui consiste, pour les entreprises de plus de 300 personnes, à mettre en place et communiquer un indicateur. Pour autant, ceci constitue davantage une charge de travail supplémentaire pour les RH d’ici à Novembre 2023 mais ne fournit pas d’armes nouvelles.
Nous avons recensé les différentes aides à l’embauche.
En dépit de ces dispositifs, du renfort de l’OCDE et du Conseil européen dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, les disparités persistent et démontrent que les politiques de protection sociale, d’emploi et de formation ne suffisent pas à expliquer le phénomène. Il s’agit en réalité de la manifestation d’une culture qu’il s’agit de faire évoluer pour parvenir à individualiser chaque carrière.
Emploi des seniors et transfert de compétences : quels diagnostics ?
Diagnostic de l’emploi des seniors
Bérangère Gosse dans son article “une culture des âges à faire évoluer” fournit 2 déterminants de l’attitude culturelle face à l’emploi des seniors :
- Le niveau d’indemnisation du non-travail
- Les politiques d’inclusion ou des actifs vieillissants du marché de l’emploi.
Ainsi la proportion d’inactivité et de chômage en France est plus importante que dans d’autres pays européens. Ceci s’explique par une forme de raréfaction de l’offre à destination de cette population due à la politique d’indemnisation élevée du risque de non-travail. La sortie précoce est devenue un privilège à maintenir.
Les freins au recrutement des seniors révélés par une étude Ipsos sont au nombre de 5 :
- Les difficultés d’intégration dans une équipe plus jeune
- Une moindre faculté d’adaptation aux nouvelles technologies
- Sa proximité avec l’âge de la retraite
- Une santé plus fragile
- Un coût plus important pour l’entreprise
Quelques chiffres pour résumer l’emploi des seniors :
- 44% des 55-64 ans ne sont déjà plus en emploi avant de partir à la retraite (inactivité, chômage, inaptitude)
- Le format de “pré-retraite” ne représente que 4% de cette population.
- Enfin, un pic de ruptures conventionnelles et de licenciements est à l’œuvre chez les salariés de la tranche de 55-59 ans comme en témoignent les chiffres d’une étude Unedic.
La pensée selon laquelle les plus jeunes prendront les emplois des seniors une fois ceux-ci partis à la retraite ne se vérifie pas selon les travaux de Gruber et Weise de 2010.
Les facteurs explicatifs sont les suivants :
- L’évolution trop rapide des métiers
- L’opportunité de réorganiser les équipes suite au départ en retraite
- Le manque de transfert de compétences
Le travail des seniors est à recomposer en considérant, d’une part, l’ensemble des opportunités d’animation des compétences de l’entreprise et, d’autre part, en se dotant des outils de gestion de carrière adéquats.
Diagnostic du transfert de compétences
Qu’est-ce que le transfert de compétences ?
Le transfert de compétences en entreprise fait référence au processus consistant à transférer les connaissances, les compétences et les savoir-faire d'un collaborateur à un autre, en vue de garantir la continuité des activités et de développer la polyvalence professionnelle des salariés.
Selon Pole Emploi, le transfert des savoirs peut être initié dans le cadre d'un départ à la retraite, d'un changement de poste ou encore d'un départ en congé maternité ou paternité. Ce processus est également un levier de la cohésion d'équipe, en favorisant les échanges et les interactions entre collaborateurs.
Pour assurer un transfert efficace et limiter les pertes de compétences, il est recommandé d'établir une méthodologie adaptée, comprenant notamment l'identification des compétences clés à transférer, la mise en place de solutions de formation collaboratives ou d'accompagnement, ainsi que la création de supports pédagogiques appropriés.
Quel est le diagnostic de la transmission de compétences en France ?
Aujourd’hui le transfert de compétences demeure une activité ponctuelle en réaction aux risques de perte de compétences dont l’occurrence est plus ou moins prévisible.
Les situations prévisibles :
- Départs en retraite
- Formation de nouvelles recrues
- Mobilités internes
Les situations moins prévisibles :
- Absences de longue durée
- Accident du travail
- Départ volontaire
- Départs naturels (turn-over)
Le pilotage des compétences à risque peut être fourni par un outil comme celui proposé par Neobrain. Cette visualisation en temps réel est de nature à diffuser de manière continue des savoirs et ainsi éviter d’altérer la continuité des opérations et limiter l’obsolescence des compétences.
Les solutions d’employabilité des seniors et de transmission de leur savoir-faire
Pour les services RH, les défis sont multiples : identifier les compétences à risque, organiser leur transmission, défendre l'employabilité des collaborateurs en vieillissement actif.
Les solutions d’employabilité des seniors
Une approche de Strategic Workforce planning en soutien de la GEPP
Si la GEPP soutient l'anticipation de la dimension quantitative du vieillissement de la population, elle doit être enrichie de la vision qualitative de la SWP. Quelles sont les différences entre GEPP et SWP ?
Ces différences sont détaillées dans notre Page complète.
En outre, la projection des métiers et compétences clés, avec un outil SWP, mettra en évidence plusieurs données essentielles :
- L’écart avec les aptitudes actuelles et les compétences de demain.
- Les passerelles objectivement envisageables.
- L’arbitrage entre upskilling (développement au sein d’un métier proche), et reskilling (programme complet d’acquisition de nouvelles compétences).
Le SWP renforce la capacité d’orienter les seniors vers les métiers où les passerelles sont les plus évidentes.
Enfin, la valorisation des seniors passe par la visibilité de leurs atouts uniques. Elles peuvent tout simplement ne pas être détectées et mises en avant dans l’organisation. Notre article “détecter les compétences invisibles” vous donnera certaines clés.
Claire Goury, Responsable RH ouest chez Idverde évoque son vécu vis à vis de cette population.
On oublie souvent la somme de connaissances informelles que personne d’autre ne maîtrise et qui peuvent disparaître si une transmission n’a pas été anticipée.
Le développement continu pour cette population
Les savoir-faire requis pour de nombreux métiers évoluent rapidement, il est donc important de s'assurer que les seniors bénéficient du même investissement en montée en compétences que les autres collaborateurs. Pour y parvenir, il est nécessaire de mettre en place des dispositifs de formation continue adaptés aux seniors.
Exemple de développement continu pour les managers en seconde partie de carrière :
Une partie des managers a évolué vers ce rôle pour des motifs de performance et d’expertise. Ces managers ont dû ensuite acquérir les soft skills spécifiques (intelligence émotionnelle, accompagnement des équipes, …). Voici ce que note Elise Van der Schans, CHRO chez SmartTrade.
Aujourd’hui, les managers doivent de nouveau faire preuve d’une forme d’expertise tout en développant leurs postures comportementales.
Les solutions de transfert d’aptitudes
Et si la raison d’être des seniors n’était pas justement de transmettre, via notamment le mécénat de compétences ou encore le “vis ma vie”.
Le mécénat de compétences
Qu’est-ce que le mécénat de compétences ?
Le mécénat de compétences consiste à mettre à disposition des compétences professionnelles au service d'une cause d'intérêt général. Il s'agit donc d'une forme de mécénat où l’entreprise s'engage à offrir gratuitement des compétences à des associations, des ONG ou d'autres organisations à but non lucratif. L’étude Admical IFOP de Novembre 2021 indique que 54% des grandes entreprises, 22% des ETI et 18% des PME s’engagent dans cette démarche.
Par exemple, chez Neobrain, 3 partenariats ont été scellés pour aider ceux qui ont besoin d’accéder à des expertises et à structurer leurs projets d’avenir :
- Avec "Simplon" pour transmettre nos compétences à des personnes en reconversion professionnelle dans le digital
- Avec "Viens voir mon taff" pour l'aide à l'orientation d'étudiants
- Collecte de livres à destination d'une association permettant l'accès à la culture à travers le monde pour les personnes en situation précaire
Le mécénat d’entreprise n’est pas seulement un levier de transmission mais aussi une voie nouvelle d’acquisition de compétences. En effet, 57% des salariés ayant participé à ces programmes estiment avoir acquis de nouvelles compétences. Se sentir utile, passerelle avant la retraite sont les motivations des 40 salariés chez Arkéa qui participent au programme. Les conditions à remplir : s’engager pour 12 mois à temps plein ou 1 journée par semaine pendant 36 mois.
Le vis ma vie professionnelle
Le concept de "vis ma vie en entreprise" consiste à immerger un salarié dans la réalité professionnelle d'un collègue ou d'un supérieur hiérarchique afin de mieux comprendre son travail et de bénéficier de ses compétences. Cette pratique favorise la transmission des savoirs intergénérationnelle, c’est le levier idéal du partage d’expérience entre seniors et les plus jeunes.
En mettant en place cette pratique, l'entreprise peut encourage la création d'un esprit d'équipe et alimente une cohésion accrue entre les différents services ou départements. Cette méthode ouvre la porte à la détection d’éventuelles difficultés rencontrées par les collaborateurs dans leur travail, et ainsi mettre en place des actions d'amélioration des conditions de travail.
Par exemple, dans un contexte de “re-onboarding”, la société Aircall a recréé un vis ma vie virtuelle grâce à la solution Gather. Les réunions Zoom avaient ont une connotation trop “sérieuses” et la solution sous forme de réalité virtuelle a permis à tout un chacun d’aller à la rencontre de ses collègues d’une manière ludique et totalement libre.
Le mentorat
Qu'est-ce que le mentorat ?
Le mentorat est une pratique qui consiste à mettre en relation un mentor expérimenté avec un mentoré qui souhaite bénéficier de ses conseils et de son expérience professionnelle. L'objectif est de favoriser le développement personnel et professionnel du mentoré à partir de l'expertise et de la vision du mentor. Le mentorat est souvent un accompagnement de long terme qui vise à développer les compétences et les connaissances du mentoré sur le long terme.
Pour y parvenir la société doit réaliser 2 actions préalables :
- D’une part, évaluer les appétences de développement des collaborateurs.
- D’autre part, recenser les compétences dont les mentors souhaitent réaliser le partage.
C’est ce que Neobrain propose en faisant matcher ces 2 informations clés.
En résumé, le "vis ma vie" en entreprise est une pratique ponctuelle qui permet de découvrir le travail d'un collègue ou d'un supérieur hiérarchique pour acquérir des connaissances spécifiques, tandis que le mentorat est une pratique plus durable qui vise à développer les compétences et les connaissances d'un collaborateur sur le long terme en bénéficiant des conseils et de l'expertise d'un mentor expérimenté.
L’opportunité de recréer un système de transmission vertueux
La configuration actuelle de l’emploi, les pénuries de compétences sont des opportunités. C’est l’occasion de reformater non seulement l’adaptation des savoir-faire de l’entreprise face aux exigences émergentes mais aussi la culture et les pratiques de capitalisation sur les acquis et leur risque de disparition. Benoît Serre évoque l’enjeu de l’emploi de seniors sous son aspect social : souvent leurs enfants en dépendent financièrement, et même leurs propres parents : c’est un défi pour le travail et pour la cohésion sociale de la France.
Il ressort aujourd’hui des dispositifs en place une attitude réactive, en mode “sparadrap” qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Même si nous constatons une amélioration de la capacité des organisations à conserver plus longtemps leurs salariés seniors, la situation psychologique de ces derniers se détériore et l’âge demeure un facteur majeur de discrimination à l’embauche. C'est ce que développe Camille Barbry dans son article sur les préjugés qui freinent le recrutement des seniors.
Nous irions jusqu’à poser une question provocatrice : Pouvons-nous faire un lien entre pénurie de compétences et sous-capitalisation des atouts de cette population ?