“On ne naît pas manager mais on le devient”, les aptitudes managériales s’acquièrent avec le temps. Aujourd’hui, les collaborateurs préfèrent à 69% être managés que d’évoluer dans un rôle d'encadrement (chiffres OpinionWay). Mais d'où provient ce désamour pour l'encadrement ? Naviguer dans les eaux turbulentes du management moderne est un défi sur lequel nous nous penchons dans cet article. La crise du management n'est-elle pas aussi celle de l’accompagnement pour acquérir les compétences d’un rôle à multiples facettes ?
Le Contexte managérial actuel
Dans une économie en évolution constante comme aujourd'hui, le rôle d'encadrement est confronté à une multitude de défis qui bouleversent les modèles managériaux traditionnels, les obligent à s'adapter et à accompagner de nouveaux comportements chez leurs collaborateurs. De la rupture technologique à l'évolution des attentes des équipes, les pressions sur les managers n'ont jamais été aussi fortes. Pour preuve, l’étude BCG et Ipsos relève que seuls 32% des managers français voient encore plus d’avantages que d’inconvénients dans leur rôle.
Au sein de cet article, nous explorerons les principaux défis auxquels les leaders sont confrontés dans l'économie actuelle et fournirons des conseils pratiques pour les surmonter.
Les nouveaux défis des managers
Le style de management n’était que très peu questionné jusqu’aux années 2000. Depuis, l’émergence de la pénurie de talents, et la fin de la stabilité de l’emploi, ont déstabilisé le contrat tacite entre l’entreprise et ses ressources humaines : de nouvelles postures deviennent nécessaires.
En plus d’exceller dans leur propre rôle opérationnel, de communiquer les orientations stratégiques de l’entreprise, les managers font face à une nouvelle complexité : celle d'apporter le soutien aux nouveaux modes de travail, d’animer des équipes multiculturelles et multigénérationnelles et de faire évoluer des comportements prompts à épouser les transformations numériques et responsables de l’entreprise. Cette nécessaire adaptation des managers à un rôle plus horizontal a fait l'objet d'un Webinar que nous vous proposons de regarder :
Les challenges de l’évolution des modes de travail
Associer adhésion des salariés et performance de l’entreprise contribue à de nombreux changements dans la quête d’organisations du travail optimales. Les grandes entreprises ont adopté un mode de management initié par les start-ups sur deux principaux aspects du quotidien :
- La gestion de projets s’est enrichie de la notion d’agilité depuis 1991 par James Martin, elle s’est réellement développée à partir de 2001 grâce à la proximité des start-ups avec leurs clients. Cette manière d’envisager la gestion de projets s’est étendue à des entreprises comme Société Générale, Axa, Air France KLM, Airbus, Engie, Michelin. L’agilité est devenue “Safe” Scaled Agile Framework, elle modifie le rapport au temps et demande aux managers une proximité plus soutenue.
- Le modèle d’orientation des équipes est également devenu plus participatif sous l’impulsion des “catch-ups” matinaux nés de la distanciation de la Covid-19 d’une part, mais pas seulement. Ces cérémonies sont centrales dans les méthodes Scrum, appelés daily scrum, ces rendez-vous permettent à chacun d’exprimer ses difficultés dans une approche collaborative.
Le management vertical ou “top-down” reste présent dans certaines sociétés pour qui ce style de leadership autocratique fonctionne, l'approche participative répond davantage aux attentes actuelles de l'entreprise.
Quels sont les éléments en faveur d’un modèle de gestion participative des équipes ?
4 arguments prêchent en faveur d'une gestion participative des équipes :
- Valoriser la dynamique collaborative et l’intelligence collective
- Favoriser la circulation des informations dans un contexte où les changements sont permanents
- Construire des objectifs de performance collective clairs et acceptés de tous
- Mettre à l’honneur l’exemplarité managériale souvent à l’origine de la cohésion d’équipe
Les défis managériaux pour personnaliser leur approche
Les entreprises font peser sur l'encadrement la responsabilité de l’engagement des collaborateurs. Gallup, le premier, déclarait que 70% des facteurs d’implication reposent sur les épaules des managers : leur style de management, leur adhésion à la stratégie d’entreprise, mais surtout leur capacité à montrer l’exemple et à personnaliser leur approche à chaque individu sont aujourd’hui mises en avant.
Cette pression est à la fois justifiée mais souvent excessive dès lors que l'encadrement est lui-même tributaire de décisions auxquelles il n’a pas participé et qu’il ne partage pas nécessairement. Enfin, il dépend aussi d’une culture de société qui favorise ou non les opportunités internes. Examinons néanmoins ce qu’il peut influencer.
Comment personnaliser l’accompagnement offert aux collaborateurs ?
Personnaliser l'accompagnement auprès des collaborateurs repose sur une définition spécifique des objectifs qui demandent une reconnaissance des réalisations. Ensuite, adapter son style de communication semble acquis. Réfléchir à une offre d'opportunités adaptées aux appétences de chacun demande une connaissance des talents à laquelle les outils RH répondent.
- Définir des objectifs spécifiques : les managers aident leurs collaborateurs à définir des objectifs individuels pour leur travail. En comprenant les aspirations et les besoins de chaque collaborateur, le manager peut s'assurer que les objectifs sont réalistes, pertinents et motivants.
--> Lire notre Article sur l’individualisation des objectifs de performance.
- Adapter les styles de communication : Les managers adaptent leur communication en fonction de la personnalité de chaque collaborateur. Certains employés préfèrent des directives précises, tandis que d'autres ont besoin d'une plus grande liberté pour travailler efficacement.
--> Lire notre Article sur l’adaptation de sa communication à son interlocuteur.
- Reconnaître les réalisations : Cette reconnaissance passe par un feedback régulier. Elle peut être véhiculée de manière informelle, comme un compliment ou un e-mail, ou de manière plus formelle, comme une récompense ou une promotion. Elle a un pouvoir énorme notamment lorsqu’il s’agit, à l’inverse, de demander des améliorations sur certains aspects du travail.
--> Lire notre Article sur la puissance du feedback continu.
- Offrir des opportunités de développement : les managers ne doivent pas confondre “opportunité” et “promotion”, un talent actuel n’a pas nécessairement la même conception que son responsable de ce qu’il considère comme une option de carrière. Le besoin d’apprendre, commun aux collaborateurs avec un fort niveau de potentiel, trouve des réponses dans les formations, le mentorat, des projets spécifiques ou des missions spéciales pour les aider à développer leurs compétences. L’essentiel est de contribuer à la création de parcours de carrières uniques. Nous développons les leviers pour y parvenir dans notre Page “individualiser les plans de carrière”.
Par ailleurs le travail hybride, les pénuries de compétences et l’utilisation croissante de la sous-traitance amènent également les encadrants à évoluer aux côtés d’équipes multiculturelles et multigénérationnelles. Ceci comporte des barrières linguistiques, des différences culturelles et des horaires de travail différents qui sont à prendre en compte pour s’assurer que leur staff travaille efficacement ensemble.
L’ambition d’embrasser le Green Management
La responsabilité Sociétale des entreprises est une expression qui recouvre de nombreuses implications pour les organisations et ses managers. Signe concret de son impact, chaque entreprise de + de 500 salariés doit désormais intégrer la déclaration de toutes les émissions directes et indirectes de carbone dans leur bilan carbone réglementaire et obligatoire depuis le 1er janvier 2023 (Décret BEGES).
La réduction de l’empreinte carbone des entreprises représente à la fois un gisement d’économies dans la mobilité des collaborateurs, dans le choix des sous-traitants et désormais dans la course aux appels d’offres.
Qu’est-ce que le Green management ?
Le Green Management est un modèle de gestion de l’entreprise dans lequel chaque est encouragé à adopter des comportements responsables et durables. C’est la déclinaison concrète des valeurs et des engagements RSE de l’entreprise dans le quotidien.
Quels sont les impacts du Green Management pour les responsables d'équipes ?
- Etre authentique. La diffusion de comportements différents doit se faire de manière authentique pour éviter les effets désastreux du "green washing" : les managers doivent être convaincus des bénéfices de ce changement.
- Co-créer les nouvelles habitudes. Le manager est le vecteur de la mise en œuvre de cette nouvelle gouvernance, ils doivent donc expliquer les conséquences environnementales et sociales des pratiques actuelles et mobilier leurs équipes vers un objectif construit conjointement.
- Donner l’exemple. Le comportement des leaders a une influence prépondérante dans la formation de la culture d’entreprise selon Ben Horowitz. Par mimétisme les collaborateurs adoptent les bons comme les mauvaises habitudes, aussi le Green Management dépasse la sphère écologique pour s’étendre à la bienveillance, le bien-être, concilier QVT et usages numériques et, in fine, l’implication des collaborateurs dans des valeurs qu’ils recherchent au sein de leur entreprise.
Les qualités attendues des managers
Choisir un manager pour un poste est historiquement basé des performances remarquables et une adhésion aux pratiques internes, mais ces compétences sont-elles celles qui feront de lui un bon responsable d'équipe ?
Le Management est considéré comme une promotion en France alors qu’il s’agit avant tout d’une compétence. Julia de Funès.
La perception du bon responsable évolue et l’on attend désormais de lui qu’il puisse développer et créer une dynamique d’équipe dans un climat de confiance. On voit aussi apparaître dans les discours des DRH la notion de courage managérial, c’est à dire la capacité de trancher, savoir dire non alors que les managers tendent à pêcher par un besoin irrépressible d’être apprécié.
Le manager est aussi appelé à être évalué de manière frontale sur ses compétences, son style managérial par ses propres collaborateurs. Cette remise en question est compliquée.
Nous développons les compétences critiques de cette fonction avec l’article “Le Top 5 des compétences managériales”.
Quel accompagnement RH offrir aux managers ?
Le contexte est clair : un écart se creuse entre la perception des mangers qui pensent bien faire leur travail (à 97%) et ce que pensent les collaborateurs qui, à 48%, pensent qu’ils n’ont pas d’impact sur leur travail. Comment les équipes RH peuvent elles les aider concrètement ?
Envisager la posture du “Manager Coach”
Développé dans les années 70 par Robert Greenleaf sous le terme de “Servant leadership” le manager coach renverse le paradigme d’autorité managériale traditionnelle et place la priorité du responsable au service apporté à ses clients internes, c’est à dire devant même les objectifs de l’entreprise et ses propres objectifs personnels. Focaliser son attention et son énergie sur ses collaborateurs signifie développer leur autonomie, leurs compétences, pour qu’eux-mêmes soient ensuite en mesure de procurer le même service à leur propre environnement de travail.
Qu’est-ce qu’un manager coach ?
Un manager coach utilise les techniques du coaching pour mener à bien son rôle d'encadrement : écoute active, questionnement, reformulation et recadrage.
L’équipe RH peut aider cette fonction critique à définir quel style de management est le plus adapté à l’entreprise. Notre propos n’est pas de dire que le manager coach est nécessairement le meilleur modèle mais de souligner l’amélioration des performances, de la créativité et de la capacité à résoudre les problèmes que différentes études montrent vis à vis de cette optique managériale.
Les équipes RH vivent, elles aussi, une profonde évolution de leurs pratiques de gestion. Parmi les expertises émergentes, que nous détaillons dans notre Page “les évolutions de la gestion RH”, se trouve la dimension outillage numérique qui est une nouvelle occasion pour collaborer avec les utilisateurs et s’adapter aux nouvelles méthodes collaboratives.
Développer les facultés de communication des leaders
Je demandais récemment à une DRH quels sont les motifs qui amènent les mangers à solliciter son aide. Sa réponse m’a fait sourire : “ils se rapprochent de moi dès lors qu’ils doivent gérer une situation de conflit, communiquer quelque chose perçue comme négatif”.
La préoccupation d’être apprécié de leurs équipes les détourne de leur rôle essentiel de faire progresser leurs équipes, quelles que soient les circonstances, difficiles comme sereines.
Le second axe de progression est la capacité du responsable à canaliser l’information, transmettre les urgences, les sujets clés pour répondre aux attentes de transparence des salariés.
Pour supporter les leaders, les équipes RH sont, à leur tour, en position de coaching. Le recours aux prestations de coachings ciblés auprès du top management a pu parfois éloigner les RH de leur rôle essentiel d’accompagnement de carrière. La période actuelle et les interrogations communes aux collaborateurs, managers et professionnels RH eux-mêmes inscrit la connaissance de soi comme quête transverse à l’ensemble de ces protagonistes.
Le coaching centré sur les aptitudes de communication est d’autant plus pertinent qu’il se focalise sur l’action et non sur les résultats. À une époque où les performances et les délais pour atteindre les objectifs rétrécissent cela offre une vision plus pérenne de l’apport du manager à son équipe.
Impliquer les Managers dans les processus décisionnels RH
Parmi les challenges récurrents des managers se trouve la clarté des périmètres entre les 2 fonctions : management de proximité et RH Partner.
Fort de sa compréhension des enjeux opérationnels de son équipe dans l’organisation, le manager est naturellement le mieux placé pour évaluer les compétences et établir la stratégie pour les aligner aux objectifs. De son côté, la fonction RH, dont les priorités sont nombreuses, pilote la dimension réglementaire, administrative et supervise les initiatives RH en mettant en adéquation les volontés de la direction et les besoins d'encadrement.
Aussi la logique managériale de saisir les opportunités peut parfois être freinée par la gestion du risque et des coûts de la fonction RH. La bonne collaboration entre ces 2 acteurs tient donc en 2 mouvements simultanés :
- Pour les managers : la compréhension des contraintes budgétaires pour une plus grande autonomie financière, l’intégration en temps réel des évolutions d’orientations stratégiques. Notre Page sur le renforcement du Leadership des mangers peut vous donner des éléments de réflexion complémentaires.
- Pour les RH : l’amplification du coaching et du partage de bonnes pratiques. Mais aussi la volonté d’évoluer vers une approche qui situe les compétences comme priorité du design organisationnel. Lire notre Article sur l’organisation basée sur les compétences pour en savoir plus.
En Conclusion
La crise managériale illustrée par des chiffres en berne est celle d’un rôle en pleine transformation. Suivant la culture de la société, le manager devra endosser les habits d’expert-formateur, de chef de projets, de coach interne et savoir les renouveler constamment. L’expert formateur jadis majoritaire disparaît petit à petit du fait de l’obsolescence rapide des compétences. Il s’assure dorénavant de l’acquisition des expertises nécessaires en puisant dans les contributeurs individuels, les intervenants externes, et les programmes de certification acquis de longue haleine auprès des équipes RH. Demeurent donc le plus souvent les dimensions d’animateur de projets et de l’intelligence collective comme vecteurs de réalisation des ambitions organisationnelles.